
Nouveaux polluants dans l’eau potable : quels enjeux pour les professionnels de l’eau ?
Je suis consultant indépendant en traitement des eaux, avec plus de 15 ans d’expérience sur le terrain au service des industriels, collectivités et exploitants d’installation classée. Si vous êtes dans ces secteurs, vous l’avez sûrement remarqué : les nouveaux polluants dans l’eau potable sont devenus un sujet brûlant. Invisibles, omniprésents et peu maîtrisés, ils bousculent notre façon de concevoir la gestion et la protection des ressources en eau.
PFAS, microplastiques, résidus pharmaceutiques, perturbateurs endocriniens… Autant de contaminants émergents qui posent des défis majeurs sur le plan sanitaire, technique, réglementaire et environnemental.
Faisons le point ensemble sur ces enjeux qui ne cesseront de prendre de l’ampleur dans les années à venir. Professionnels de l’eau, QHSE, ingénieurs environnement, techniciens de traitement ou décideurs dans les collectivités : cet article est fait pour vous.
Introduction – Pourquoi les nouveaux polluants bousculent les pratiques du traitement de l’eau :
Depuis plusieurs décennies, le contrôle de la qualité de l’eau potable reposait surtout sur quelques classes de contaminants bien connues : nitrates, pesticides, métaux lourds, hydrocarbures… Mais la pression sociétale sur la santé environnementale, couplée aux avancées scientifiques, a mis en lumière une toute nouvelle catégorie de polluants : les substances dites « émergentes » ou « nouveaux polluants ».
Ces molécules, souvent utilisées depuis des décennies dans les industries pharmaceutiques, agroalimentaires, chimiques ou textiles, sont aujourd’hui identifiées comme potentiellement nocives.
Les systèmes classiques de traitement de l’eau ne sont pas conçus pour les retenir ou les détruire efficacement, ce qui provoque une diffusion de plus en plus large. Parallèlement, la réglementation européenne – notamment avec la révision de la directive sur l’eau potable (2020/2184) – impose une surveillance renforcée de certains de ces polluants.
Partie 1 : Comprendre les nouveaux polluants dans l’eau potable ?
1.1 Qu’appelle-t-on « nouveaux polluants » ?
Les « nouveaux polluants » regroupent des substances chimiques d’usage courant mais longtemps ignorées des cadres réglementaires. Aujourd’hui, leur persistance et leur toxicité posent question.
Parmi eux, on retrouve :
- Les PFAS (per- et polyfluoroalkyles) : surnommés « polluants éternels » pour leur stabilité chimique extrême. Ils sont utilisés dans les mousses anti-incendie, les revêtements antiadhésifs, les emballages alimentaires ou encore les textiles.
- Les médicaments et résidus pharmaceutiques : antibiotiques, antalgiques, antidépresseurs, hormones de synthèse. Issus principalement des activités hospitalières ou vétérinaires, ils se retrouvent dans l'environnement via les eaux usées.
- Les microplastiques : particules inférieures à 5 mm, souvent invisibles à l’œil nu. Ils proviennent de la dégradation de plastiques, des textiles synthétiques ou des produits cosmétiques (exfoliants).
- Les perturbateurs endocriniens : bisphénol A, parabènes, alkylphénols… Ces substances interfèrent avec le système hormonal humain et animal, même à de très faibles concentrations.
1.2 Quelles sont leurs sources principales ?
Les origines de ces nouveaux polluants sont multiples et souvent diffuses :
- L’industrie : décharges sauvages, fuites, procédés chimiques -
L’agriculture : utilisation de lisiers vétérinaires contenant des antibiotiques, rejets de traitements phytosanitaires non réglementés
- Le secteur hospitalier : eaux usées non traitées en sortie d’établissement
- Le domicile : usage de lessives, soins corporels, produits d’entretien, médicaments jetés dans les toilettes
- L’usure des infrastructures : les canalisations PVC ou bitumes relâchent des microparticules et composés chimiques.
1.3 Et enfin, pourquoi sont-ils difficiles à éliminer ? ?
Les nouveaux polluants ont des propriétés physico-chimiques qui les rendent particulièrement résistants :
- Insensibles à la dégradation biologique
- Faible biodisponibilité
- Particules parfois en dessous des seuils de détection standards
Les traitements conventionnels, comme la décantation, la chloration ou même la filtration sur sable, sont souvent inefficaces. Résultat : ces contaminants se retrouvent en sortie de station et parfois dans les réseaux de distribution.
Partie 2 : Risques sanitaires, environnementaux et réglementaires
1.1 Quels sont les impacts sanitaires ?
Même en faible concentration, certains nouveaux polluants dans l’eau potable présentent un risque potentiel :
- Les PFAS sont liés à des troubles immunitaires, hormonaux et à certains cancers (foie, rein).
- Les résidus médicamenteux risquent de favoriser l’antibiorésistance, un problème mondial de santé publique croissant.
- Les perturbateurs endocriniens agissent à des doses infinitésimales sur le développement et la fertilité.
- Les microplastiques pourraient transporter des contaminants biologiques comme des virus ou bactéries pathogènes.
Les effets cocktails, loin du mojito, cela signifie que la synergie entre plusieurs molécules peut amplifier ces risques, encore mal compris par la science. D’où une approche de précaution dans les politiques publiques.
1.2 Des impacts écologiques aussi préoccupants
Outre les enjeux sanitaires, les nouveaux polluants dans l’eau perturbent profondément la biodiversité aquatique :
- Altération de la reproduction et de la croissance chez les invertébrés et poissons
- Féminisation de certaines espèces exposées aux hormones de synthèse
- Perturbation des écosystèmes avec un appauvrissement génétique
Ces effets indirects sont souvent invisibles, mais profonds et durables. Ils provoquent des pertes écologiques dans les milieux aquatiques, parfois irréversibles.
1.3 Des impacts écologiques aussi préoccupants
La réponse réglementaire se structure, notamment à l’échelle européenne :
- La directive européenne sur l’eau potable (2020) fixe des seuils pour certains PFAS (0,1 µg/L pour chaque substance, 0,5 µg/L pour l’ensemble des PFAS)
- Des listes de vigilance identifient des composés préoccupants à surveiller activement
- En France, l’ANSES travaille à établir des valeurs sanitaires maximales (VME) sur plusieurs nouveaux polluants Les ICPE comme les stations d’épuration ou les industriels sont encouragés, voire contraints, d’intégrer cette problématique dans leurs plans de surveillance.
Cette dynamique réglementaire implique une anticipation stratégique pour éviter les non-conformités coûteuses.
Partie 3 : Comment surveiller et traiter ces polluants ?
3.1 Identifier les polluants présents : priorité au diagnostic
Une bonne gestion commence par une bonne connaissance. Cela passe par :
- Des campagnes analytiques ciblées (HPLC-MS, thermodésorption, spectrométrie de masse…)
- Le choix de laboratoires accrédités pour les PFAS ou les microplastiques — car tous n’ont pas encore les capacités
- Une cartographie complète des profils d’émission, avec prise en compte des zones d’infiltration, de concentration et de dilution.
Réaliser un simple prélèvement en sortie d’usine ne suffit plus. Il faut adopter une logique de « surveillance intégrée » avec des points amont-aval.
3.2 Des technologies pour mieux traiter ces contaminants
Heureusement, le panel technologique s’enrichit :
- Le charbon actif (en poudre - PAC, ou en grain - GAC) est efficace pour adsorber les molécules organiques hydrophobes (pesticides, hormones).
- L’osmose inverse offre une barrière physique performante contre de nombreuses substances, y compris certains PFAS et microplastiques. Elle est idéale en cas de pollution récurrente, mais nécessite un système de gestion des concentrats.
- L’ozonation et l’oxydation avancée (UV/H2O2, ozone) permettent de dégrader chimiquement les micropolluants, mais imposent de maîtriser les sous-produits formés.
Chaque solution doit être calibrée selon la nature du polluant, le débit, la criticité de l’eau produite (consommation humaine, usage industriel, rejet dans le milieu)
3.3 L’importance d’un accompagnement expert
Faire les bons choix peut s’avérer complexe, surtout pour les collectivités avec des budgets limités ou les industriels soumis à des délais réglementaires. Un accompagnement ciblé permet de :
- Prioriser les enjeux selon le type d’activité et d’exposition
- Diagnostiquer les points critiques et proposer des mesures proportionnées
- Comparer les technologies non seulement sur l’efficacité, mais aussi sur les coûts d’exploitation et de maintenance
- Monter les dossiers de conformité réglementaire nécessaires (DREAL, ARS, etc.)
En tant que consultant, je travaille régulièrement avec des exploitants d’ICPE, des industries agroalimentaires ou des régies publiques qui cherchent à anticiper les évolutions du cadre légal et garantir une eau saine, maîtrisée et conforme.
Conclusion :
Les nouveaux polluants dans l’eau potable ne sont plus une problématique marginale : ils sont désormais au cœur de la politique de gestion des ressources en eau. Leur surveillance, leur traitement et leur maîtrise deviennent une obligation, mais aussi une opportunité stratégique pour :
- Réduire les risques sanitaires
- Protéger l’environnement et renforcer votre responsabilité sociétale
- Valoriser votre site comme acteur engagé sur la qualité de l’eau
- Rester conforme dans un cadre réglementaire en évolution rapide
Vous souhaitez diagnostiquer la qualité de votre eau ? Identifier les bons traitements ? Prioriser vos investissements ? Contactez-moi pour un audit personnalisé ou abonnez-vous à ma newsletter pour recevoir les prochaines ressources pratiques.